La pierre angulaire by Zoé Oldenbourg

La pierre angulaire by Zoé Oldenbourg

Auteur:Zoé Oldenbourg [Oldenbourg, Zoé]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Historique
Éditeur: Gallimard - NRF
Publié: 1953-01-01T05:00:00+00:00


SOUCIS DE FAMILLE

En passant devant le manoir de Pouilli il ne s’arrêta pas chez son beau-frère. Aielot était pourtant l’être au monde qui lui tînt le plus au cœur après Marie, mais telle était sa malchance que d’elle aussi il se sentait séparé à présent ; car Jacques de Pouilli était très notoirement cocu et adorait sa femme, et pour cette raison la vue du ménage de sa sœur ne pouvait être agréable à Haguenier. Il vint donc loger pour quelque temps chez son camarade d’armes Gillebert de Beaufort, jeune homme assez frivole mais bien élevé. Haguenier était très estimé par ses camarades, tant pour la pureté de sa vie que pour son caractère affable et pondéré. Et on l’admirait beaucoup depuis qu’il avait eu le cran d’aller se battre sans bouclier.

Par Gillebert de Beaufort, Haguenier apprit que les fiançailles d’Ida de Puiseaux étaient chose faite, et que le mariage allait être célébré avant les jeûnes de Noël. Gillebert ne savait pas à quel point cette nouvelle était pénible pour son ami, et fut tout étonné de le voir pâlir et se mordre les lèvres. « Voyons, dit Gillebert, vous n’étiez pourtant pas amoureux de cette petite campagnarde ? — C’est comme si je l’étais, dit Haguenier, et même pis. Car moi, je peux supporter n’importe quoi, mais mon frère Ernaut ne le supportera jamais. Je sais que ceux qui lui veulent du mal ont arrangé les choses de telle façon qu’il ne l’apprenne pas, mais je ne sais pas si je dois aller l’avertir ou non, car dans les deux cas il fera un malheur. Il serait capable d’aller tuer Bernard de Jeugni pour empêcher le mariage.

— À votre place, dit Gillebert, je ne prendrais pas sur moi une telle responsabilité. Quand on se mêle des affaires d’amour des autres, on ne fait que du gâchis.

— C’est ce que je crois aussi, dit Haguenier, mais je n’aurai pas la conscience tranquille. Si mon père n’a rien fait pour empêcher ce mariage, c’est moi qui devrai m’en charger. »

Milon de Jeugni était à Troyes pour les fêtes de l’Assomption, avec son fils et ses gendres. Haguenier alla les trouver, et parla en privé au père, lui promettant de trouver pour Bernard un parti plus avantageux que la fille de Joceran de Puiseaux. Milon lui fit comprendre qu’il se mêlait d’affaires qui ne le regardaient pas.

« On sait dans tout le pays, dit Haguenier, que mon frère recherche cette demoiselle depuis des années, et il a dispense du Saint-Père pour l’épouser. Vous feriez un grand péché si vous la lui preniez.

— Écoutez, dit Milon, dans cette affaire, tout le monde est d’accord : le père, la fille, mon fils et moi-même. Mon fils aussi aime la jeune fille.

— Il ne l’aime pas comme Ernaut, fit Haguenier, buté.

— Vous n’en savez rien, d’abord. Et cela ne me regarde pas.

— Vous saurez, en tout cas, que vous m’aurez pour ennemi si vous faites ce mariage. » Le vieux dit qu’il en était bien fâché, mais qu’on ne saurait contenter tout le monde.



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